Quelques heures seulement après les terribles tremblements de terre et tsunami du 11 mars dernier, les yakuzas se sont organisés pour venir en aide aux sinistrés.
Le journal The Independant a publié un article de Jake Adelstein sur le rôle de la mafia depuis le 11 mars.
Samedi 12 mars, minuit, extérieur de l'hôtel de ville d'Hitachinaka, dans la préfecture d'Ibaraki. Le séisme de la veille a tout ravagé. Une centaine d'hommes en manches longues, qui ne fait pas partie du personnel de la Croix-Rouge présent sur place, décharge des cartons sur les marches de la mairie. A l'intérieur : des couvertures, de l'eau, des nouilles instantanées, des lampes de poches et du papier toilette.
Les hommes font vite. Pour ne pas être reconnus, ils ont baissé leur manche pour dissimuler les tatouages qui leur ornent les bras et révèlent leur identité. Sur leurs chemises, pas de badge représentant le Mont Fuji et des boisseaux de riz, les insignes de leur clan. Les homme de l'Inagawa-Kai, le 3ème groupe du crime organisé au Japon, tiennent à rester discrets.
Le 30 septembre dernier, le chef de la police nationale japonaise Ando Takaharu a déclaré la guerre contre le crime organisé, alors pas question pour l'Inagawa-Kai de se faire repérer maintenant. Pourtant, il leur est difficile de passer inaperçus avec leur convoi de 25 camions déchargeant plus de 50 tonnes de vivres à l'entrée de la mairie de la ville.
Très vite, les employés de la municipalité comprennent à qui ils ont à faire et filment la scène. Les officiels sont aussi présents ; des officiels que les Yakuzas saluent d'un mouvement de tête avant de quitter les lieux. Pas question d'intervenir ou d'appeler la police : l'aide fournie par les mafieux est trop précieuse pour cette ville aujourd'hui en ruines. Le lendemain, un autre groupe de Yakuzas reviendra faire de même : ici, une centaine de maisons a été détruite, les routes sont coupées et 9000 habitants vivent réfugiés dans des abris de fortune.
"Tous les Yakuzas ne sont pas des mauvais, ils ne nous ont pas réclamé de l'argent pour leur travail. Ils ne nous ont pas demandé que ces couvertures leur soient payées avec des intérêts", a confié l'agent d'une station service de la ville au journal The Independent.
Le geste des membres de l'Inagawa-Kai n'est pas le premier de la part de Yakuzas en pareille circonstance. En 1995 déjà, lors du tremblement de terre de Kobé, le plus important groupe de Yakuzas de l'archipel, le Yamagushi-gui, avait récolté des vivres à travers le pays pour les redistribuer aux sinistrés. Ils avaient par ailleurs patrouillé dans Kobé pour empêcher les pillages et faire régner l'ordre. A l'époque, leur attitude avait été félicitée par les autorités.
Cette fois-ci, il n'y a pas que l'Inagawa-Kai qui a fait un geste. A travers tout le pays, quelques heures après le séisme, les principaux groupes du crime organisé ont ouvert leurs bureaux à ceux qui ne pouvaient pas rentrer chez eux. A Tokyo, par exemple, le Sumiyoshi-kai aurait même ouvert ses quartiers aux étrangers en déroute. Ils auraient également collecté près de 700 000 euros et distribué des vivres, par le biais de leurs intermédiaires sur place, dans les préfectures de Miyagi, Ibaraki et Fukushima.